Le suicide provoque un véritable cataclysme pour l’entourage, le « début d’un enfer » disait une mère après la mort de son fils.
Dès sa découverte, le suicide crée chez les proches un état de choc, de stress aigu, qui se caractérise par « une sorte d’anesthésie émotionnelle », apparaissant ici comme une indispensable protection psychique. Puis, au premier plan, s’insinue l’intime conviction que les évènements auraient pu – et dû – prendre un tour différent. Survient ainsi un sentiment d’incompréhension : l’insupportable et lancinante question du « pourquoi ? ». Et cette quête du pourquoi s’accompagne presque immanquablement d’un pesant sentiment de culpabilité. Il se construit sur l’idée d’une faute (supposée) qui dévalorise, fragilise, mais surtout qui a pour effet d’interdire tout accès au moindre bonheur. Il conviendrait dès lors, dans la mesure du possible, de veiller à ne pas s’enfermer dans un rôle de « responsable » et d’éviter en particulier que les enfants ne s’enferment pas dans un tel rôle.
Par ailleurs, ce processus se complique encore parce que le drame entraîne une bourrasque d’émotions d’une ampleur et d’une intensité jamais vécues jusqu’ici : le désespoir, la colère (surtout contre soi-même, mais également à l’encontre d’autrui), la honte (suscitée par le regard des autres), la peur, le sentiment d’insécurité et, parfois, l’ambivalence de soulagement.
Reconnaitre ces émotions – y mettre des mots, s’y confronter et nommer le suicide – constitue une étape majeure (mais combien difficile) du travail de deuil. Ce « travail » sur soi-même permettra d’éviter la confusion entre la personne et son geste, afin de restaurer les images de la relation et du lien.
Une fois la tempête calmée, viendra, peut-être, l’acceptation de ce qui a été et de ce qui est. Cette étape requiert du temps, beaucoup de temps et donc de la patience. Si des idées suicidaires survenaient au cours de ce long cheminement, il est hautement recommandé de chercher de l’aide.
Il surviendra cependant, d’abord de manière fugace, par petites touches, des instants qui laisseront un goût de frais, de neuf : une invitation à croire que la vie n’est pas que souffrance, mais qu’il peut y avoir du bonheur à se sentir tout simplement vivant.
(Ces lignes s’inspirent de l’ouvrage du Dr Christophe Fauré : « Après le suicide d’un proche. Vivre le deuil et se reconstruire », éditions Albin Michel, 2007).